En 2014, un rapport d'information duSénat dénonçait les carences dans la prévention du risque amiante, et désignait le repérage comme « le maillon faible de la réglementation». Pas assez fiable, estimaient les auteurs du rapport qui concluaient à sa nécessaire amélioration. 2022, la filière du diagnostic a fait un bond phénoménal. Le repérage amiante avant travaux en est l’expression directe avec une abondante littérature : un décret publié en 2017, sept normes et autant d’arrêtés –pas tous disponibles à ce jour- sortis dans les années qui ont suivi pour encadrer
la mission. Bout à bout, cela représente plusieurs centaines de pages.
Au long de ces années, les cabinets de diagnostic immobilier se sont posé la question de réaliser, ou pas, des repérages avant travaux. Certains ont même pu s’y essayer avant d’y renoncer. Après tout, longtemps, la réglementation ne se montrait pas trop exigeante : la seule certification amiante (avec ou sans mention) apparaissait suffisante. En théorie, car beaucoup, face à un client BtoB, se sont vite rendu compte que la seule certification ne suffisait pas.
La spécialisation réclame une maîtrise parfaite du domaine et une impérieuse nécessité d’approfondissement. Il est indispensable de parler le langage du client que l’on s’adresse à un gestionnaire de routes, à un opérateur ferroviaire, un armateur ou une usine pétrochimique.Autrement dit, à la compétence amiante, il est nécessaire d’ajouter une compétence spécifique au domaine d’activité.
Ces compétences sont à la fois très complexes mais bien circonscrites. Avantage: une fois ces compétences acquises il est permis de chiffrer et de conduire les projets avec précision, de rassurer son client et d’avoir de la visibilité. L’entreprise acquiert ainsi un savoir-faire différenciateur.
Disons-le, le métier n’est plus tout à fait le même. La spécialisation amiante a profondément modifié notre filière entre un diagnostiqueur généraliste qui intervient dans le bâti dans un cadre de vente/location et le diagnostiqueur qui s’est spécialisé d’abord dans les polluants(amiante et plomb), et même ensuite sur un domaine d’activité précis.
Evidemment la démarche de spécialisation a un coût. Elle implique d’investir dans des certifications d’entreprise, Cofrac, Mase ; dans des démarches qualité, OPQIBI, Qualibat, ISO ; dans des formations règlementaires de personnes, dans du matériel, des modes opératoires, des postes de travail supports, responsable HSE...
La spécialisation est coûteuse, mais elle représente aussi un avantage concurrentiel puissant dans son domaine d’activité stratégique. C’est elle qui rend l’entreprise incontournable. Et si le rapport de force reste favorable aux donneurs d’ordre, il faut se hisser le plus haut possible soit en utilisant les compétences métiers les meilleures, soit en proposant des doctrines amiante fortes et assumées au travers par exemple de modes opératoire innovants.
Cette spécialisation se révèle sans aucun doute vertueuse puisqu’elle va dans le sens d’une meilleure qualité de repérage et, par ricochet, d’une prévention au risque amiante plus efficiente encore. Malheureusement, elle compte aussi des limites. Commercialement d’abord, il n’est pas toujours facile de faire payer son travail au juste prix par des acheteurs parfois moins préoccupés de satisfaire au Code du travail qu’à la rentabilité.
Autre limite à la démarche de spécialisation dans le marché du repérage amiante : la certification de personne. En 2021, un professionnel connu et reconnu pour sa compétence en matière d’enrobés routiers, avait perdu sa certification parce que l’arrêté compétence ne prenait pas en considération les spécialités et demeurait focalisé sur les immeubles bâtis.
Cet exemple largement commenté dans le landernau des diagnostiqueurs illustre les limites de l’actuel système de certification dès que l’on parle de spécialisation. Cette certification de personne imaginée en 2005dans un contexte où il fallait bien rassurer les assureurs et où l’énorme majorité des diagnostiqueurs travaillaient en solo dans le cadre de la vente, ne correspond plus au marché actuel. Disons-le, elle est même devenue un frein à une nécessaire montée en compétences. C’est un sujet que doivent rapidement traiter les organisations professionnelles : ça tombe bien, il en existe cinq différentes pour à peu près 10 000 diagnostiqueurs certifiés.
Cette réforme apparaît d’autant plus nécessaire que le diagnostic n’a pas fini de se spécialiser. Ce que l’on a vu avec les polluants du bâtiment risque bien de se répéter demain avec l’énergie. Et sans parler de la qualité de l’air intérieur, du diagnostic déchets et j’en oublie. Le diagnostiqueur ne pourra pas tout faire. La spécialisation est indispensable à la qualité. •
Une stratégie de spécialisation consiste à se focaliser sur un seul domaine d’activité et à orienter ses ressources, les investissements, le marketing et les compétences vers ce marché afin d’y occuper une position dominante et un avantage concurrentiel certain.
Cette stratégie s'appuie sur les compétences et les savoir-faire possédés par l'entreprise pour remplir ses objectifs de croissance sur des marchés généralement à valeur ajoutée. Il ne s'agit pas d'acquérir de nouveaux savoir-faire mais de renforcer et développer ceux existant.
La spécialisation comporte cependant deux écueils majeurs : un marché plus réduit avec un risque de saturation plus fort, et un risque devoir apparaître des produits de substitution ou des ruptures technologiques. Pour pallier ces risques, il faut se spécialiser dans deux domaines d’activité complémentaires et sur des territoires géographiques diversifiés.
Le diagnostiqueur peut donc décider de faire par exemple du diagnostic immobilier et du repérage amiante, mais également de se consacrer exclusivement à l’amiante. Dans ce cas, le cabinet devra se consacrer à des champs spécifiques, par exemple le bâtiment et le génie civil.